Comme le laisse supposer le toponyme « Roche-Huon », le site est peut-être originellement associé à une motte ou à une tour de pierre (Rocca) tenue par un certain Huon, probablement en lien avec le site et la motte de Castel-Pic qui dominent le Jaudy à quelques centaines de mètres du manoir et que mentionnent les aveux comme « ancien château », possédé par les seigneurs de la Roche-Huon jusqu’à la révolution. Comme pour plusieurs sites des environs proches (Coatgouray, Le Poirier, Brélidy), le manoir se transporte peut-être depuis sa motte vers le site actuel à l'issue des troubles de la guerre de succession de Bretagne, dans la seconde moitiée du XIVe siècle.
La famille éponyme apparaît la première fois dans les sources avec Alain de La Roche-Huon, « de la bannière de Guillaume de Tournemine », né vers 1270 et qui témoigne du « coucher de saint Yves » durant l’enquête ouvrant le procès de canonisation conduite à Tréguier en 1330.
Dès le milieu du XIVe siècle, la succession des seigneurs de la Roche-Huon est documentée par les montres, aveux, contrats et registres paroissiaux. D’une certaine importance dans le Trégor, la famille contracte des alliances avec des familles d’un rang certain (Lezversault, Kersaliou, Roscerf, du Dresnay, d’Acigné, Troguindy, etc.).
L’état précis du manoir n’est en revanche pas connu avant 1700 même si une description sommaire dans l’aveu de 1583 signale déjà la tour fuye et l’étang seigneurial et que plusieurs remplois ou dépôts lapidaires attestent encore de l’existence d’un manoir antérieur (XVe s.). Le manoir actuel semble dater des années 1600-1650.
Possessionnés en Trézélan (nombreux convenants nobles), Prat (manoir de Trévoazan), Saint-Laurent (manoirs de Saint-Ilio, Trobescond, Le Faut, Keranforest), Brélidy, les seigneurs de La Roche-Huon, sont également fondateurs de la chapelle Saint-Norvez édifiée aux portes du manoir et bientôt érigée comme trêve de la paroisse de Trézélan (XVe s. ?) et nécropole de la famille.
La famille de la Roche-Huon conserve la propriété du site jusqu’au milieu du XVIIe siècle quand l’héritière de la branche aîné transmet en dot le domaine et ses terres à Hector du Dresnay, cadet d’une puissante famille trégoroise. C’est a priori leur fils Olivier (†1599) qui édifie le bâtiment du porche, complété à la fin du siècle par un sobre et imposant manoir resté inachevé ou partiellement détruit. Un siècle plus tard, les héritières du manoir le transmettent successivement à Jean d’Acigné, seigneur de Caranavelet puis aux Ladvocat de la Crochais, vicomtes de Dinan, richement possessionnés autour de Pleurtuit, Saint-Enogat, Dinard. Domaine et manoir sont occupés par la famille seigneuriale jusqu’au XVIIe siècle avant d’être exploités et habités par des métayers. Les Ladvocat le conservent jusqu’à la révolution, lorsque, après leur émigrationà Jersey, leurs nombreux domaines sont saisis et en grande partie vendus comme biens nationaux.
Au début du XIXe siècle Bégard absorbe arbitrairement les paroisses de l’ancien territoire de l’abbaye dont Trézélan. L’église Saint-Norvez, désaffectée, est vendue pour ses matériaux et détruite entre 1819 et 1448. Une partie de ses pierres sont remployées dans la construction du Rest en Trézélan où se trouvent encore un portail et une pierre tombale du XVIIe siècle. Au début du XXe siècle, le domaine, sans doute laissé à l’abandon durant plusieurs décennies, comme en témoignent encore d’important dégâts de charpente, est acheté par la famille Larcher, maintenu en ferme jusque vers 1980 puis sommairement restauré et loué. Transmis par succession à la famille Queinnec, il est acheté en 2021 par M. et Mme Hablot.
Sources documentaires
- Relevés inédits d’Henry Frotier de la Messelière de 1931 (AD 22)
- Cadastres de 1819 et 1848
- Couverture photographique par le service de l’Inventaire (1974 et 1977)
http://phototheque-patrimoine.bretagne.bzh/jcms/dev_103768/phototheque?text=roche+huon&opSearch=true
- importante documentation aux AD 22 (aveux, registres paroissiaux, donations votives, etc.)