Le vieux manoir de Coatserho est aujourd’hui constitué d’un corps de bâtiment avec un étage et un grenier et, au pignon, deux tours accolées, l’une ronde et l’autre presque carrée. Lafaçade est orientée sud-est, mais, pour simplifier les descriptions, on parlera des pignons est etouest et des façades nord et sud.Le manoir (ou la maison-forte) de Coatserho doit exister dès 1301quand Benoist deCoatserchou est mentionné comme garde de la forêt de Cuburien pour le vicomte de Léon. Lenom est alors écrit Coatserchou ; selon l’historien Bernard Tanguy, il signifie «le bois des amoureux». Le manoir, qui n’était sans doute alors qu’une simple maison-forte, occupait uneposition stratégique au-dessus de la rivière de Morlaix, juste avant la ville. Il était situé dans lavaste paroisse de Ploujean (qui incluait aussi Saint-Melaine en bordure de la cité). Lacommune de Ploujean a été absorbée par Morlaix en 1959.La tour ronde est la partie la plus ancienne du manoir actuel, elle est très probablementantérieure au XVIe siècle; elle est bâtie à base de petits moellons de granit et de courtes dallesde schiste(la porte au nord a été percée ou agrandie au XXe siècle). C’est sans doute à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle qu’un nouveau bâtiment,dont le pignon mord dans la tour ronde et son toit, est alors bâti.L’appareillage du mur, leprofil du rampant et, surtout, les moulures des encadrements des fenêtres de ce pignon sontoriginaux et rappellent ceux d’autres constructions du XVIe siècle. On distingue encore lestraces des grosses grilles qui protégeaient les fenêtres.En fait le mur-pignon se prolongeait au nord sur toute sa hauteur pour border une aile avecdeux pièces superposées et une tour d’escalier. Deux portes cintrées donnaient accès au rez-de-chaussée du manoir.
Le nouveau manoir
À la fin du XVIe siècle, Jean du Plessix, qui fut maire de Morlaix en 1587 (ou son fils Jacques, cité parmi les notables en 1589), veut une demeure conforme à sa réussite et auxnouveaux canons esthétiques. C’est probablement à la même époque que la tour carrée a étégreffée sur la vieille tour ronde et dans l’épaisseur du mur pignon; c’est alors aussi que lepigeonnier a été fait ou refait sur la charpente des deux tours et la noue qui devait les relier.Ce pigeonnier en bauge sur lattes de châtaignier est unique en Bretagne, tous les autres ayantdû être détruits.La tour carrée apporte des éléments de confort (latrines, pièce privée pour le maître demaison) et permet aussi, ne l’oublions pas, d’augmenter le nombre de boulins dans lepigeonnier dont on sait qu’il est proportionnel à la surface du domaineLa façade du manoir est particulièrement soignée. Elle comporte une corniche, deux lucarnesau fronton orné, une fenêtre à meneau, deux grandes fenêtre à l’étage et une porte de styleclassique. Un soin particulier a été apporté dans le choix des dalles de schiste et desencadrements en granite.Après déblaiement, il est apparu que certains éléments de charpente étaient en très mauvaisétat et posaient des problèmes de sécurité tandis que les boulins dégradés continuaient às’effriter. Une consolidation a minima a donc été réalisée de telle sorte qu’elle resteidentifiable et ne modifie pas les structures anciennes. Les parties de sol dégradées ont étérefaites avec des quenouilles laissées apparentes côté plafond. Deux vitres ont été inséréesdans la charpente du plafond de la tour pour permettre de voir le pigeonnier en restant sur lepalier. Une restauration de l’ensemble pourra être envisagée lors d’une réfection complète dela toiture.Dernières transformationsAu milieu du XVIIIe siècle, le manoir est la propriété de la famille Boudin de Tromelin. Il fautsans doute attribuer à cette dernière les deux ou trois modifications qui semblent postérieuresà la «rénovation» menée par Jean du Plessix. Il y a une certaine logique à ce qu’au coursd’un siècle et demi, les nouveaux modes de vie poussent à faire évoluer un bâtiment quirévèle aussi ses faiblesses. Ainsi, l’aile située à l’arrière du manoir est non seulement fortancienne, mais son escalier fait double emploi avec celui de la tour ronde et on peutfacilement imaginer qu’on la supprime, y compris pour en utiliser les matériaux pour desbâtiments annexes ou le nouveau manoir qui est bientôt édifié plus au sud. Ce qui est certain,c’est que la partie arrière du vieux manoir ne figure déjà plus sur le cadastre de 1837.De même, le déplacement de la porte d’entrée peut correspondre à un nouvel usage des lieux.Comme en témoigne les joints qui en dessinent très exactement la silhouette, elle se trouvait àl’origine presque au milieu de la façade. Elle a été remplacée par une petite fenêtre ovale d’unbeau granite rose à gros grain et mica noir extrait à l’île Callot, plus en vogue au XVIIIe. C’estde toute évidence un élément spécialement réalisé lors de la modification puisque l’on netrouve pas d’autre usage de cette pierre dans la maison.Abandonné par ses propriétaires pour une demeure plus au goût du jour et ballotté au gré deshéritages puis des ventes, le manoir ne connaîtra plus guère plus de modifications pendantprès de deux siècles. Il a été en partie rénové à la fin des années 1920 et au début des années1950.Le manoir a fait l’objet d’une restauration importante en 2010-2011.
Texte extrait de « Restaurer un manoir en Bretagne » de François de Beaulieu, éditions Skol Vreizh, 2013.