Portrait de Clément VI le Magnifique (ca 1291 - 1352)

Pierre Rogier de Beaufort

Clément VI le Magnifique

198o papa (1342 - 1352)
Blason de la famille Rogier de Beaufort

Parents

Famille

Occupations

Notes

Prêtre, Evêque d'Arras (1329), Garde des Sceaux, Archevêque de Sens puis de Rouen, Cardinal (1337), Chancelier de France, Pierre ROGIER fut élu pape à l'unanimité en une journée, le 7 mai 1342. Le nouveau pontife était à l’opposé de l’ascétique Benoît XII et son règne fastueux allait le faire surnommer "Clément VI Le Magnifique". Il le démontra dès le 19 mai, jour de son couronnement. Il fut plus que somptueux. Le sacre se déroula devant des milliers d’invités et en présence des princes du sang. En tête se trouvaient Jean de NORMANDIE et Eudes IV Duc de BOURGOGNE, ils étaient suivis de Pierre Ier de BOURBON, cousin du roi de France, et du Dauphin Humbert II venu en dépit de son excommunication. Au cours de la cérémonie, tout un chacun put remarquer que la tiare de Clément VI était surmontée d’un diamant semblable à une flamme. Le banquet qui suivit fut servi à plus de cinq mille convives. Clément VI passa ensuite les mois chauds dans sa résidence de Villeneuve-lès-Avignon, l’ancien hôtel du Cardinal Napoléon ORSINI sis au pied de la Tour Philippe-le-Bel. Le 20 septembre, de retour à Avignon, il s’installa dans le palais de son prédécesseur et remit leurs coiffes à de nouveaux cardinaux. Parmi ceux-ci se trouvaient Guy de BOULOGNE Archevêque de Lyon, son neveu Nicolas de BESSE et son frère Hugues ROGIER.

Clément VI était entré dans le palais construit pour Benoît XII. Cela ne parut point suffisant à celui qui savait être pape ! Jean de LOUBIERES fut chargé d’édifier un palais neuf digne du Magnifique. Dès le début de l’été 1342, il attaqua le chantier de la « tour de la Garde-Robe » et de la « tour des Cuisines ». Dans cette dernière, il plaça la « Bouteillerie » qui servit aussi à déposer la vaisselle d’or et d’argent de la table pontificale. Puis l’architecte s’attaqua au chantier du palais nouveau et à l’achèvement de la « tour du Trouillas ». Avec sa nouvelle façade, le palais prit l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui. Clément VI n’oublia pas de faire placer les armoiries des ROGIER sur l’entrée principale, au dessus du nouveau portail des Champeaux. Mais surtout il fit couvrir les murs de fresques où ne figurent aucun motif religieux mais des scènes champêtres et de chasse. Sur quelques unes de ces peintures on remarque l'emploi précoce de la perspective (cages à oiseaux et bassin). Le plus grand chantier fut assuré par Matteo GIOVANETTI, un prêtre de Viterbe, élève du grand Simone MARTINI qui se mourait à Avignon. Dans la chapelle du Grand Tinel, il fit le portrait du Pape en saint Martial. Puis, en 1344, un nouveau peintre, Robin de ROMANS, fut chargé de décorer la chambre du Cerf où il représenta le frère et le neveu du Souverain Pontife.

Excellent diplomate, Clément VI était de plus doublé d’un galant homme. Les dames nobles de sa Cour tombèrent sous le charme pontifical. Il fit ouvrir par la « Révérende Chambre Apostolique » un compte spécial pour les Dames de la famille de Notre Saint-Père le Pape. Sans conteste, la favorite fut Cécile de COMMINGES, Vicomtesse de TURENNE. Le Magnifique chercha-t-il vraiment avec Cécile de TURENNE la liberté d’oublier qu’il était pape ? On ne sait, mais les relations du Pontife et de la vicomtesse donnèrent lieu à toutes sortes d’interprétations.

Clément VI, lors de ses brillantes études à la Sorbonne, était passé maître dans l’art de la scolastique. Cela lui fut un atout sur le trône de Saint-Pierre. Tout au long de sa carrière ecclésiastique et au cours de son pontificat, il se révéla être un remarquable orateur et prédicateur. Il utilisait magistralement la souple prolixité de la langue occitane et était convaincu qu’en français ou en latin beau parler n’écorche point langue.

Avec l’ancien conseiller de Philippe VI de Valois sur le trône pontifical, le sort du Dauphiné était scellé : il serait rattaché à la France. Sur l’initiative de Clément VI, un grand pas fut franchi au cours du mois de février 1343. Le Roi et son fils aîné, Jean de NORMANDIE, vinrent rencontrer Humbert II dans la cité papale. Le Dauphin du VIENNOIS était aux abois. Toujours à la recherche de liquidités, il se vit proposer par le roi de France un arrangement financier qui le tirerait du besoin. S’il acceptait que le Dauphiné fut dévolu au second fils du roi après sa mort, ses dettes seraient réglées et il jouirait d’une rente annuelle. Humbert sollicita un temps de réflexion. Depuis quelques mois, il avait pris contact avec son oncle, Robert d’ANJOU, pensant que le Comte de PROVENCE serait intéressé par l’achat de ses États qui jouxtaient les siens. La réponse de Robert d’ANJOU se faisait attendre. Et pour cause… Il venait de rendre son dernier soupir à Naples. Le Dauphin tenta alors de trouver un palliatif. Le 29 mai 1343, il vendit leur indépendance à cinquante-deux paroisses des Alpes qui se regroupèrent pour former la « République des Escartons ». Mais sous la pression pontificale - il n'y aurait pas de levée d'excommunication si Humbert II n'obtempérait pas - le Dauphin signa un accord avec la France le 30 juillet 1343. Il était prêt à céder aux VALOIS son Dauphiné.

Le 3 septembre 1343, grâce à l’action des légats pontificaux, une seconde trêve fut signée à Malestroit entre la France et l’Angleterre. Elle devait durer trois ans. Le Pape avait déjà d’autres préoccupations avec le royaume de Naples où les princes angevins et la reine de Hongrie s’affrontaient. Il chargea Pétrarque d’une ambassade au cours de ce mois de septembre. Arrivé sur place, le poète vauclusien constata que « le Royaume était comme un navire que ses pilotes conduisaient au naufrage, un édifice ruiné soutenu par le seul évêque de Cavaillon ».

Clément VI, toujours attentif à la question dauphinoise, écrivit à Philippe VI, le 11 avril 1344, pour lui proposer que le fils aîné du roi de France porta le titre de Dauphin. Le Pape envisagea ensuite de lever l’excommunication de Humbert II, qui avait remboursé jusqu’au dernier florin à la Révérende Chambre Apostolique, mais il y mit une condition. Il devait lui céder le fief de Visan. L’accord passé, le 31 juillet, Clément VI reçut Humbert dans son palais de Villeneuve-lès-Avignon. Le Dauphin du VIENNOIS rendit hommage et le Pape leva les sentences. Clément VI put entrer en possession de son fief de Visan à la fin du mois d’octobre au moment où, sur son initiative, arrivaient à Avignon les émissaires de France et d’Angleterre pour discuter d’une nouvelle trêve sous l’égide du cardinal Jean Raymond de COMMINGES.

Ce fut aussi au cours de cet automne que le Souverain Pontife mit sur pied un nouveau projet de croiserie. Il voulait porter le fer contre les infidèles sur les côtes même de l’empire byzantin où sévissaient les pirates turcs. Il en confia le commandement au Patriarche latin de Constantinople et à Édouard Ier de BEAUJEU. L’objectif de cette expédition était de s’emparer de Smyrne, port d’attache de Sinan le Juif, amiral de la flotte turque. Cette dernière fut vaincue, le 28 octobre 1344, et le havre de la mer Egée, organisé en camp retranché, confié à la garde des Chevaliers de Rhodes. Ce succès maritime en appelait d’autres. Clément VI, au cours du mois de novembre, régla d’abord l’appartenance des « îles Fortunées » entre la Castille et le Portugal puis il lança un nouvel appel à se croiser. Seul répondit Humbert II. Le Pape, avec une certaine répugnance, accepta de le nommer, le 26 mai 1345, Capitaine Général du Siège Apostolique, commandant l’armée chrétienne. Le Dauphin embarqua à Marseille le 2 septembre en compagnie de Jean Ier LE MEINGRE, dit "BOUCICAUT" qui s’était déjà illustré à Smyrne. Sur place, il privilégia la négociation avec les Turcs et perdit la seule occasion qui lui fut donnée d’être grand.

Après cette déception, Clément VI expédia quelques affaires courantes en ce début d'année 1346. Il appela à Avignon le grand astrologue Jean de MURS pour lui commander un rapport sur la réforme du calendrier.

Mais cette année fut surtout marquée par l’une des batailles les plus importantes de la Guerre de Cent ans. Le samedi 20 août, à Crécy-en-Ponthieu, sur les bords de la Rue, l’ost des chevaliers français se heurta à l’armée anglaise. Ses archers, essentiellement composés de "yeomen", firent un carnage des Français lourdement cuirassés et ce fut le désastre. Pourtant la défaite de Crécy, vue du Palais des Papes d’Avignon, n’eut pas le même impact qu’en France. On retint, bien sûr, qu’Édouard de WOODSTOCK, le Prince de GALLES, fit preuve ce jour-là d’une extrême bravoure. Tout comme, dans le camp français, Jean de LUXEMBOURG, le roi aveugle de Bohème, qui se fit conduire au milieu de la mêlée et mourut en ferraillant au jugé. Mais, par ailleurs, personne ne blâmait son fils, Charles de MORAVIE, de s’être éclipsé pendant la bataille ni Amédée le Comte de SAVOIE, de n’y être arrivé que le lendemain à la tête de ses mille lances. Beaucoup, par contre, chantaient les louanges d’un certain Juan Fernandez de HEREDIA, Conseiller du Roi d’ARAGON et Commandeur des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui avait chevaleresquement secouru le malheureux Roi Philippe en lui offrant son cheval. Et tous disaient pire que pendre des milliers d’arbalétriers génois, engagés à prix d’or par le Valois, qui n’avaient daigné combattre s’étant déclarés trop fatigués.

Tout le monde ignorait encore que la plus grande pandémie du Moyen Âge était déjà aux portes de la Méditerranée. Elle sévissait depuis l’automne 1347, sur les bords de la Mer Noire, en Crimée, elle toucha Marseille le 1er novembre 1347. Ce foyer épidémique allait alors s’étendre sur toute la Provence et le Languedoc. Le mois de janvier 1348 commença sous les plus mauvais auspices. Un tremblement de terre fut ressenti dans tout le Comtat Venaissin ainsi que dans une grande partie de la Provence et du Languedoc. Le nombre de victimes de ce séisme fut minime comparé à celui de l’épidémie qui s’abattait sur tout le pourtour méditerranéen. Alors que l’incompréhension restait totale sur les origines du mal, chacun put y aller de ses hypothèses sinon de ses théories. Le chroniqueur Mattéo VILLANI se sentit obligé d’expliquer en préliminaire : « Devant débuter notre traité par l’évocation de la gent humaine, mon esprit est saisi de stupeur dès l’instant qu’il s’apprête à décrire le châtiment que, dans son infinie merci, la justice divine a imposé au genre humain digne, par la corruption des sens, du jugement dernier ». Jean FROISSART nota : « En ce temps, par tout le monde généralment, une maladie qu’on claime épydémie couroit, dont bien la tierce partie dou monde mouroit ». De son côté, le moine francilien Richard de SAINT VICTOR constata : « Il mourut plus de deux parts des gens et n’osait le père voir le fils ni le frère la sœur ». Boccace, dans son Décaméron écrivit : « Cette tribulation a pénétré d’une telle épouvante les cœurs des hommes et des femmes, que le frère abandonne le frère, l’oncle le neveu, la sœur le frère et souvent l’épouse son mari. Chose plus forte et presque incroyable, les pères et les mères évitent de rendre visite et service à leurs enfants, comme s’ils n’étaient pas à eux ». Guy de CHAULHAC, docteur de l’Université de Montpellier, remarqua quant à lui : « Les gens mouroient sans serviteur et estoyent ensevelis sans prestre. Le père ne visitoit pas le fils, ni le fils son père. La charité estoit morte et l’espérance abattue ». Tout au long de l’épidémie, des holocaustes furent organisés contre les Juifs rendus responsables de la Peste Noire. Inquiet d’une telle flambée de haine, près de trois cent cinquante communautés juives ayant été exterminées dans la péninsule ibérique et dans l'Empire germanique, ce Pape libéral rendit publique, deux bulles papales dont celle du 6 juillet 1348 et celle de septembre dans laquelle il annonçait qu’il prenait sous sa protection les juifs, menaçant d’excommunication ceux qui les maltraiteraient. Néanmoins, près de 900 Juifs furent brûlés quelques mois plus tard à Strasbourg, alors que l'épidémie ne s'est pas encore déclarée dans la ville. À cette occasion il autorisa les autopsies dans l'espoir de découvrir la cause du mal et sa thérapeutique. Puis il condamna le fanatisme des Flagellants qui se répendaient depuis le royaume de Souabe dans tous le nord de l'Europe et continuaient la chasse aux juifs.

Ce fut ce moment que choisit la Reine Jeanne pour se rendre dans son comté de Provence et à Avignon. Son arrivée ressemblait plus à une fuite qu’à une visite de ses États. L’assassinat de son premier époux André de HONGRIE, le 18 septembre 1345, avait choqué autant Naples que la Provence et Avignon. Le 4 novembre 1346, le Pape, informé de la situation, avait juger opportun d’excommunier les assassins d’André de HONGRIE. Louis Ier de HONGRIE, passa à l’offensive. Le 10 mai, annonçant qu’il allait venger la mort de son frère, le roi s’était avancé jusqu’à Aquila avec ses Magyars. Ses troupes arboraient un étendard noir sur lequel avait été peint le portrait du prince étranglé. Le roi fit alliance avec Cola di RIENZO, et le 29 du même mois, aux portes de Rome et sous le signe du Saint-Esprit cavalier, le tribun écrasait les troupes pontificales du cardinal de DEAUX. De son côté, Louis Ier, arrivé à Bénévent, à trois jours de marche de Naples, avait fait tenir le 11 janvier 1348 un message menaçant à la reine. Peu rassurée, Jeanne avait préféré fuir l’ire de son ex beau-frère et cousin de Hongrie. Elle quitta Naples pour faire voile vers la Provence. Son convoi débarqua à Marseille le 29 janvier. Le 27 février, la comtesse-reine se rendit à Châteaurenard où elle attendit que le Pape lui accordât audience. Clément VI la reçut lors du consistoire du 15 mars. Jeanne avait deux objectifs. Tout d’abord se faire absoudre d’un crime dont beaucoup pensaient que si elle n’en était pas responsable, elle y avait pour le moins consenti. Le second, non moins important, était de demander au Pape de renflouer ses finances. Il lui fallait beaucoup d’or pour lever des troupes capables de s’opposer à celles de son cousin de Hongrie. Sur les deux points, le Souverain Pontife fit preuve d’une rare et benoîte compréhension. Il pardonna publiquement à Jeanne sa conduite légère et la lava de tout soupçon dans l’assassinat de son premier époux en la déclarant absoute de coulpe et de peine. Enfin il lui offrit 80 000 florins pour l’achat de sa ville d’Avignon. Ce fut Guillaume de MALESEC (Malosico), clerc de la Chambre du pape et chanoine de Langres, qui accepta la vente au nom de Clément VI, à la date du 6 juin. Par contre, les Archives du Vatican indiquent que ce fut Estienne ALDEBRANDY Archevêque d’Arles, qui passa le contrat de vente d’Avignon, avec toutes ses dépendances. La cité papale étant en terre d’Empire, l’acte fut fait en présence des plénipotentiaires de Charles IV de LUXEMBOURG qui enregistrèrent la cession par lettres datées du 9 juin. Dans la cour du musée Calvet d’Avignon (ancienne Livrée de Cambrai) a été conservé le banc de pierre sur lequel le prélat compta à la Reine Jeanne ses 80 000 florins d’or. Elle confirma cette vente le 21 juin. Le 1er novembre 1348, de Gorizia, capitale du comté de Goritz et Gradisca, dans le Frioul, l’Empereur en personne accusa réception de la transaction aux deux parties attestant qu’il cédait au Pape tous ses droits sur Avignon.

Le 27 mai 1348, Clément VI, malgré quelques réticences du Collège des cardinaux, n’hésita pas à nommer un nouveau prince de l’Église. Il faut dire que l’impétrant n’avait que dix-huit ans, qu’il était le seul de sa promotion et que le Pape était son oncle et parrain. Pierre ROGIER de BEAUFORT reçut donc le chapeau de cardinal au titre de Sainte-Marie-la-Neuve. Jusqu’alors les seuls titres de gloire du futur Grégoire XI avaient été d’être chanoine à onze ans puis Prieur de Mesvres près d’Autun. Pour éviter tout problème, le cardinal-neveu fut expédié à Pérouse pour apprendre son droit. Pour Clément VI sa famille tint dans l'Église une place que les contemporains jugèrent excessive : quatre de ses neveux furent cardinaux — dont l'un sera le pape Grégoire XI — et un autre archevêque. Un autre neveu par alliance, Hugues de LA ROCHE fut maréchal pontifical. L'oncle Nicolas ROGIER, qui l'avait amené à entrer dans les ordres, fut récompensé par lui en devenant Archevêque de Rouen, archevêché considéré à l'époque comme le plus riche de France. Quant à son frère Hugues ROGIER, élu pape en 1352, s'il renonça à la tiare par « humilité », il se rendit acquéreur durant son cardinalat d'un nombre impressionnant de fiefs qui furent tous rétrocédés à son neveu Guillaume III ROGIER de BEAUFORT et accumula un véritable trésor monétaire.

Le Souverain Pontife put enfin penser à lui. Une telle période ne pouvait que lui faire méditer sur la mort. Il prépara la sienne. Le 7 octobre 1348, par une lettre bullée, il décida que l’abbaye de la Chaise-Dieu serait le siège de sa sépulture. Et pour prier pour le salut de son âme, il institua huit vicairies desservies par huit moines et profès de l’abbaye auvergnate.

Puis face à la guerre qui couvait en France, le Pape convint que le nouveau Palais des Papes, les Livrées cardinalices, les abbayes, couvents et édifices religieux d’Avignon avaient besoin d’une protection efficace. Dès 1349, Clément VI chargea Juan Fernandez de HEREDIA, le sauveur du roi à Crécy, de diriger la construction des nouveaux remparts devant ceindre Avignon. Pour les financer, les Avignonnais furent taxés et les membres de la Curie envoyés aux quatre coins de l’Europe pour trouver des subsides.

Devenu veuf, le Roi de France Philippe VI pensa d’abord à se remarier, ce qu’il fit le 29 janvier 1349 avec sa jeune cousine Blanche d’ÉVREUX. Puis, en février, il acheta pour 120 000 écus la ville de Montpellier à Jaime III de MAJORQUE et il repensa au Dauphiné. Le 30 mars, ses conseillers Guillaume FLOTTE, Pierre de LA FORET et Firmin de COQUEREL Evêque de Noyon, après plusieurs semaines passées à Tain-l'Hermitage, obtinrent l’accord de Humbert II pour la cession. Le 16 juillet 1349, le Dauphin du VIENNOIS aliénait enfin ses droits viagers en faveur de Charles, fils de Jean de NORMANDIE et aîné des petits-fils de Philippe VI, qui fut donc le premier à porter le titre de Dauphin de France. Humbert cédait ses domaines contre 200 000 florins et une rente annuelle de 24 000 livres payable à Pâques ou à la Trinité. La cérémonie se déroula à Lyon, au couvent des Dominicains de la place Comfort. Au cours de celle-ci, Humbert II « se dévêtit » de sa suzeraineté pour en « saisir et investir » Charles. Il lui remit l’épée du Dauphin au manche incrusté du bois de la Vraie Croix, la bannière de Saint Georges éclaboussée du sang du dragon, le sceptre et l’anneau delphinaux. Le nouveau Dauphin jura, entre les mains de Jean de CHISSE, évêque de Grenoble, de respecter les franchises du Dauphiné, en particulier les statuts solennels promulgués par Humbert II. Dès le lendemain Humbert prit l’habit monastique. La stratégie de Clément VI avait payé.

Le neveu de Clément VI armé chevalier en même temps que le Dauphin Charles, Clément VI pourrait désormais continuer à s’occuper plus sereinement des destinées de l’Église et de sa famille. Et ce fut le mois de décembre 1349 qui marqua une date décisive dans la fortune des ROGIER de BEAUFORT. Le Pape avait décidé de marier son neveu, Guillaume à Aliénor de COMMINGES, la sœur cadette de sa très chère Cécile, la Vicomtesse de TURENNE. Le Souverain Pontife proposa la somme de 20 000 florins pour acheter la vicomté de Turenne et l’offrir comme cadeau de mariage. Cette transaction fut faite le 26 avril. Ce qui n’avait pas été dit officiellement était que le Pape, en sous-main, désintéressa les autres ayant droits en leur partageant la bagatelle de 125 000 florins.

En France, Philippe VI étant décédé le dimanche 23 août 1350 à Nogent-le-Roi, son fils Jean II lui avait succédé. Son couronnement et celui de sa seconde épouse Jeanne de BOULOGNE, par l’archevêque Jean de VIENNE, avait été prévu à Reims pour le 26 septembre. Clément VI ne voulut pas que son neveu Guillaume manqua un tel évènement. Il se fit pressant et envoya cinquante-cinq brefs pour que, ce jour-là, il fut armé chevalier en même temps que le Dauphin Charles. Le nouveau roi obtempéra. Le 15 septembre 1350, par lettres patentes, Jean II confirmait à Guillaume III ROGIER de BEAUFORT sa vicomté de Turenne. Puis généreusement, il lui remit la seigneurie de Caylus. Depuis leur mariage le Vicomte de Turenne et son épouse s’étaient installés dans le palais pontifical de leur oncle à Villeneuve-lès-Avignon. En cet été, Clément VI les y rejoignit. Ce fut là qu’il donna mission à Matteo GIOVANETTI de se rendre à la Chaise-Dieu pour exécuter dans l’abbaye des fresques sur la vie de saint Robert. Pour satisfaire les soucis artistiques pontificaux, le peintre de Viterbe y séjourna entre août et septembre.

Dès le début de son pontificat, Clément VI fut entouré d’une kyrielle de médecins. Il existe une notification de traitement faite par Étienne Seguin, le physicus pontifical en décembre 1343 : « bain d’eau de mer pour la guérison du pied pontifical ». Le Pape souffrait de la goutte. À la fin de l'automne 1351, il dut s’aliter ravagé par la fièvre et de terribles souffrances. Guy de CHAULHAC, le savant physicien de Montpellier fut appelé en consultation. Le 17 décembre 1351, cet expert homme de l’art avoua à l’entourage du Pape que cette fatale indisposition était due à des calculs rénaux qui provoquaient des abcès purulents.

En 1352, son état empira. Clément VI "le Magnifique" sentit venir sa mort au milieu d’atroces souffrances. Le 6 décembre 1352, vers midi, à la suite d’une dernière crise aiguë de gravelle, il expira. Avant de mourir le Pontife avait renouvelé son désir d’être inhumé dans l’abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu. Dans le chœur, il avait fait édifier un somptueux tombeau où son gisant de marbre blanc, recouvert d’une couche d’or fin présentant un visage calme qui ne manquait pas de hauteur ni d’une certaine noblesse. Il l’avait fait entouré par quarante-quatre statues représentant, entre autres, les ROGIER de BEAUFORT et leurs alliés. Le transfert du Pape défunt à la Chaise-Dieu n’eut lieu qu’au printemps 1353. Le cortège funéraire, conduit par le cardinal de BEAUFORT, fut accueilli le 8 avril 1353 par son cousin Étienne d’AIGREFEUILLE qui dirigeait l’abbaye auvergnate. En signe de deuil, la nef et le chœur étaient encourtinés de serges noires et les armes du trépassé exposées en l’abbatiale. Sa dépouille, entourée d’un linceul en peau de cerf, fut déposée sur un châssis de fer à l’intérieur du sépulcre.

À sa mort Clément VI ne laissait dans le Trésor Pontifical que 311.115 florins. Sur cette somme Innocent VI, son successeur, attribua 5.000 florins à ses accompagnateurs vers la Chaise-Dieu.