Marie Anne Dubois

  • Née le 21 septembre 1760 à Nantes
  • Décédée le 5 avril 1825 dans cette ville, place Neptune, à l'âge de 64 ans

Parents

Famille

Occupations

  • rentière demeurant à Nantes

Notes

Extrait d'un document sur la statue de ND de Bon-Secours, à l'Eglise Sainte-Croix, à Nantes, écrit par M. Bichon, descendant des Pion :
"Parmi les habitants du quartier Bon-Secours, une famille nous intéresse particulièrement, celle qui fait partie de notre ascendance. Par un heureux hasard, alors que nous avons perdu de vue une bonne partie de nos grands-parents de cette époque, nous n'ignorons pas tout de ceux-ci. C'était une famille nombreuse, elle devait compter neuf enfants. Le père se nommait Pierre Pion, et la mère de son nom de jeune fille, Marie-Anne Dubois. Ils étaient originaires de Saint-Donatien (on peut voir encore leur tombe dans le cimetière de cette paroisse). Mais ils s'étaient établis marchands de laines et crins rue Bon-Secours, au coin de la rue Kervégan. Leur maison (d'assez piètre apparence) reconnaissable à l'enseigne du restaurant "La Sirène", est restée propriété de la famille jusque vers 1925. Nous avons aussi leurs portraits : ce ne sont pas sans doute de très grandes oeuvres d'art, mais c'est un précieux souvenir. Vous pourrez les voir chez les Tantes de Vertou : on les appelle chez nous "le bonhomme vert et la dame bleue". [...] Dans ces jours où régnait encore la paix religieuse, Madame Pion était assidue à la chapelle de Bon-Secours, même qu'elle avait pris charge d'orner la statue de la Sainte-Vierge. Et puis voilà que se déchaîne sur la France la tourmente révolutionnaire. Comme chacun sait, une de ses premières victimes fut l'Eglise. Les prêtres réfractaires au serment schismatique exigé par la Constitution se trouvèrent hors la loi, exposés aux pires rigueurs de la part des pouvoirs publics, obligés à tout le moins à se coucher ou à s'enfuir. Les églises furent fermées ou profanées, les objets de culte confisqués.
Dans cette ambiance catastrophique, la chapelle de Bon-Secours bénéficia d'abord d'une situation privilégiée. Il se trouvait qu'elle était desservie alors par des prêtres irlandais réfugiés en France : comme citoyens étrangers, ils n'étaient pas tenu au "serment" et pouvaient continuer à exercer leur ministère. Inutile de dire que, dans ces circonstances, la chapelle voyait affluer des foules de catholiques nantais, privés de leurs églises et de leurs prêtres. Mais c'était trop beau pour durer. Au bout de quelques mois les prêtres irlandais sont arrêtés à leur tour et refoulés dans leur pays d'origine, non sans avoir semble-t-il, confié à Madame Pion le soin d'exercer une surveillance discrète sur la chapelle fermée et les objets qu'elle abritait encore.
Enfin arrive le grand jour de notre histoire, le 19 décembre 1793. Une bande de sans-culotte se dirige vers la chapelle de Bon-Secours, dans l'intention manifeste de la saccager. Madame Pion comprend que sa chère statue est en grand danger. Elle fait face aux révolutionnaires ; on parlemente ; on débouche quelques bonnes bouteilles ; on finit par s'arranger : puisque la citoyenne tient tant à sa Bonne Vierge, on ne la cassera pas (au moins cette fois-ci). Le soir, le calme est revenu. Mais l'alerte a été chaude : si on veut que la statue ne soit pas détruite, on ne doit pas la laisser dans la chapelle. On la transporte donc chez les Pion, dans une chambre obscure où on espère qu'elle ne sera pas découverte.
Saluons au passage la mémoire de notre aïeule. Son geste de piété envers la Sainte Vierge, dans l'ambiance où il fut accompli, aurait pu lui coûter très cher. C'était le temps où le célèbre Carrier, pour alléger le service de la guillotine en fonction sur la place du Bouffay, avait fait équiper une flottille à destination particulière qui a fait passer son nom à la postérité.
Mais la tempête ne peut pas toujours durer. A la faveur d'une accalmie, en 1795, la chapelle put être rouverte au culte, sans toutefois que la vieille statue fut sortie de sa cachette. Elle avait été remplacée provisoirement dans la chapelle par une autre statue, qui à ce qu'on pense, appartiendrait maintenant à la paroisse Saint-Jacques. Hélas, cette réouverture fut de courte durée. La législation des Biens nationaux était toujours en vigueur ; la chapelle fut donc mise en vente. Elle trouva un acquéreur qui la transforma en maison d'habitation. On peut la voir encore (ou du moins ce qu'il en reste), facilement reconnaissable à ses pilastres coiffés de chapiteaux ioniques, où es spécialistes retrouvent le style grec en honneur au temps de Louis XVI. Mais la chapelle de Bon-Secours avait cessé définitivement d'exister.
Ensuite vint le temps du Concordat, qui rendit aux catholiques de France la possibilité de pratiquer leur religion dans la légalité. Les églises furent rouvertes et les prêtres admis à y exercer leur ministère. Dans ce cadre, la paroisse Sainte-Croix put reprendre vie, et à défaut de la chapelle de l'île Feydeau, décidément irrécupérable, le sanctuaire Notre-Dame de Bon-Secours dans l'église paroissiale, formé par l'hôtel de la Sainte Vierge et la nef correspondante. Une modeste statue de bois tenait le lieu de Notre-Dame. Il faut croire que la dévotion des nantais était tenace, car elle semble avoir peu souffert de ces perturbations. Jusque dans nos temps de déchristianisation, elle donne encore des preuves de vitalité. Les ex-votos qui couvrent les murs de l'église, les cierges qui brillent devant l'image de la Sainte Vierge, les foules qui suivent chaque année les exercices de la neuvaine traditionnelle en sont des témoignages éloquents.
Pourtant, pendant plus d'un siècle, il a manqué quelque-chose à cet ensemble : l'antique statue vénérée autrefois dans la chapelle. On pensait généralement qu'elle avait été détruite pendant la Révolution. En réalité, elle était restée chez les Pion, considérée comme un bien de famille. après la mort de Marie-Anne Dubois, elle était passée par héritage à son fils Pierre Louis, puis à son petit-fils Pierre Jacques Pion. Ceux-ci n'occupaient plus la maison de la rue Bon-Secours : ils habitaient la maison de famille des Pion, rue de Paris. Ils avaient réalisé chez eux un petit oratoire , où la statue était conservée avec respect. Le poête de la famille avait composé en son honneur un cantique à la mode du temps (un peu naïf, disent certains). Je me dispenserai de le recopier.
On peut trouver étrange que ces braves gens n'aient pas pensé que la précieuse statue aurait été encore bien mieux à sa place à Sainte-Croix, offerte à la vénération d'un peuple de fidèles. Mais ce n'était pas semble-t-il leur avis. On comprend assez bien que, dans les années qui ont suivi le sauvetage de la statue, les Pion n'aient pas été pressés de la rendre à l'Eglise, dans la crainte d'un retour offensif des impies. Par la suite, ont-ils pensé que la statue était inséparable de la chapelle et que celle-ci n'existant plus et la statue ayant trouvé un refuge honorable, il n'y avait pas lieu d'en chercher davantage? Vers 1900, pourtant, des tractations eurent lieu entre la famille et le clergé de Sainte-Croix, qui avait retrouvé la trace de la statue, en vue de son retour à l'Eglise ; mais elles n'aboutirent pas. C'était le temps de M. Combes et de sa mini-persécution, mauvais moment pour confier à l'Eglise des objets précieux que le Gouvernement aurait tôt fait de confisquer.
Mais la question de la statue de Sainte-Croix n'était pas pour autant abandonnée par le clergé..."