Parmi les agents diplomatiques hongrois, citons l’exemple d’André de Tott, deux fois consul de France en Crimée et initié au secret du roi, qui aspira, à la fin de sa carrière, en 1752, au poste de résident français de Varsovie (mais sa requête ne fut pas retenue).
En revanche, son fils, François de Tott, destiné dès sa jeunesse à une carrière diplomatique, fut envoyé à Constantinople comme jeune de langue. André de Tott créa un réseau intéressant au sein de la cour de Versailles. Grâce à son mariage avec Marie-Ernestine Pesselier, il gagna l’appui du frère cadet de cette dernière, Charles-Étienne Pesselier (1712-1763), qui occupait un emploi important dans les fermes du roi et qui était aussi un littéraire assez connu de son temps. Un autre appui des père et fils de Tott fut le comte de Vergennes (Charles Gravier, comte de Vergennes), avec qui ils se rendirent à Constantinople en 1755. Malgré son début prometteur, la carrière du jeune de Tott avança difficilement au début des années 1760. L’écroulement du réseau de son feu père, mort en 1757, en était la cause, ainsi que les changements du gouvernement (le départ des frères d’Argenson et l’arrivée du duc de Choiseul) et la mort de son oncle, Charles-Étienne Pesselier, en 1763. Quand il revint en France, tout était changé. Les ministres, notamment le marquis d’Argenson (1694-1757), ancien secrétaire d’État aux Affaires étrangères, qui envoyèrent les deux de Tott à Constantinople, avaient été remplacés par une forte personnalité : le duc de Choiseul. Après le renversement des alliances (1756), l’avenir du jeune diplomate, qui avait été formé dans la perspective de devenir un agent actif de la diversion ottomane contre les Habsbourg, devint assez précaire. Il s’en souvient dans ses mémoires : « Le Ministere, qui avait eu des vues sur moi, venait d’être changé en France. Un nom étranger, nul appui, huit ans d’absence passés à Constantinople, rien de tout cela ne me promettait de grands succès à Versailles. » Finalement, avec une énergie et une persévérance renouvelées, le baron de Tott réussit à se faire une carrière diplomatique spectaculaire grâce à l’appui du duc de Choiseul et du comte de Vergennes.
Source: https://journals.openedition.org/crcv/16559
La vie du baron de Tott passe pour une histoire extrêmement passionnante de l’époque des Lumières. Fils d’un ancien combattant de la guerre d’indépendance hongroise du début du xviiie siècle, François baron de Tott naquit le 18 août 1733 à Chamigny. Il entra dans le régiment de hussards Berchény en tant que cornette en 1742, à l’âge de neuf ans. Il participa aux campagnes de 1743-1748 et fut blessé à la bataille de Lawfeld. Son père, André Tóth, travailla sur le territoire de l’Empire ottoman comme diplomate au service de la France. Pour remplacer son père, le gouvernement envoya François en 1755 à Constantinople pour apprendre la langue turque. Il raconta ses impressions sur la capitale turque d’une manière pittoresque et avec beaucoup d’anecdotes dans le premier livre de ses mémoires. Après les années d’études, il retourna en France (1763) où il voulait faire une carrière diplomatique. Une grande possibilité s’offrit à lui en 1767, date à laquelle il fut envoyé en Crimée afin de faciliter un conflit militaire entre la Russie et l’Empire ottoman. Il remplit sa mission avec beaucoup de succès et fit même la campagne avec le khan des Tartares en 1768-1769, dont il rendit compte dans le deuxième livre de ses mémoires. Ensuite, il se rendit à Constantinople où il se distingua dans sa fortification. Après avoir vaillamment défendu le détroit des Dardanelles contre l’offensive navale de l’amiral Orlov, Tott fut chargé d’organiser une école d’artillerie à tir rapide (diligents ou « süratchis » en turc). Il y construisit d’autre part une fonderie de canons, dont le bâtiment existe toujours à Istanbul. Cet épisode de sa vie est raconté d’une manière détaillée dans le troisième livre de ses mémoires. Finalement, sa dernière mission diplomatique eut lieu en 1776-1777 lorsqu’il fut envoyé en tant qu’inspecteur des Échelles du Levant. En outre, il avait aussi une mission secrète : examiner la possibilité d’une éventuelle expédition en Égypte dont il fut le plus ardent propagateur. Ce projet fut rejeté par le comte de Vergennes, alors ministre des affaires étrangères, et fut différé jusqu’à l’entreprise de Napoléon Bonaparte. La description de ce voyage constitue d’ailleurs le quatrième livre de ses mémoires. Le baron quitta la France sous la Révolution et émigra en Hongrie où il termina ses jours en 1793.
Source: https://journals.openedition.org/ashp/1043