Portrait de Henri Noël du Payrat (1896 - 1918)

Henri Noël du Payrat

Marie Henri Gérard
Blason de la famille Noël du Payrat

Parents

Occupations

  • lieutenant de cuirassiers
  • étudiant à Sciences Po

Distinctions

  • chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur

Notes

Biographie tirée du livre d'or des anciens élèves de l'Institut catholique de Paris, morts pour la France 1914-1918 (sur Gallica) :

Henri Noël du Payrat avait fait graver sur la poignée de son sabre la devise pro Deo et Patria qui caractérise et illumine sa trop courte vie. Il est mort à vingt et un ans, chevalier de la Légion d'honneur, après avoir défendu son poste de commandement « avec une bravoure éclatante... jusqu'à la dernière cartouche », ainsi s'exprime sa dernière citation. Quand on écrira l'histoire de la guerre, son nom y aura une place glorieuse, ce sera le héros des Boucaudes. Henri Noël du Peyrat avait fait ses études à Paris, à l'école Saint-Louis de Gonzague. Il s'était fait inscrire à notre faculté de droit en 1913 et avait subi avec succès en juillet 1914 l'examen de première année. Il suivait aussi les cours de l'école libre des sciences politiques, Il se destinait à la diplomatie.

Engagé volontaire à dix-huit ans, au 5e cuirassiers à Tours dès le début de la guerre, il était sous-lieutenant dès le 17 décembre 1916. En 1918, il était lieutenant. Il se distingua d'abord dans la Somme, à l'écluse de Sormont, puis à la Maisonnette. En mai 1917, il prit part à l'offensive qui avait pour but de réduire le saillant de Laffaux. Son régiment (alors le 4e cuirassiers, devenu régiment de cuirassiers à pied) fut cité à l'ordre de l'armée, et Henri Noël du Peyrat obtint la citation suivante :
« Le 5 mai 1917, au moment de l'assaut, a enlevé sa section pour dégager le flanc du bataillon d'assaut, et a permis de rétablir immédiatement la situation. »

Six mois après, il obtint sa seconde citation :
« S'est offert spontanément pour prendre le commandement d'un peloton dont l'officier avait été blessé et le sous-officier tué, et pour aller chercher des blessés dans les lignes ennemies. S'est acquitté de sa mission avec une belle crânerie. »

C'était dans la région du Chemin des Dames. Lors de l'offensive allemande sur la vallée de l'Oise, il fallait retarder à tout prix l'avance de l'ennemi vers Compiègne. Il eut à défendre les hauteurs de Piémont. Spécialement chargé de tenir jusqu'au bout sur la position du bois des Boucaudes, il resta bientôt le seul officier à ce poste. Malgré un commencement d'intoxication par les gaz, il sut tenir en main ses hommes, et, quand il eut reçu l'ordre de repli, passer à travers les lignes ennemies qui l'entouraient déjà de tous cotés. Tous les journaux citèrent alors l'héroïque défense du boyau de Boucaudes, et les messages que le lieutenant du Peyrat échangeait jusqu'à la dernière minute avec son capitaine : « Plus de munitions ! Nous tiendrons quand même » Et il s'emparait encore d'une mitrailleuse, et il faisait encore des prisonniers.
Pour ce haut fait, il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur, avec une magnifique citation à l'ordre de l'armée (Journal officiel du 2 octobre 1918).
Évacué malgré lui, après un commencement d'intoxication par les gaz, il eut la fière satisfaction de se retrouver à la tête de sa section le jour où le général Brécard, commandant la 1ère division de cavalerie à pied, lui donna l'accolade.
Cette décoration le combla de joie. Il se rappelait que son arrière-grand père, qui devait mourir conseiller à la cour de Paris et conseiller général de l'Yonne, Armand du Peyrat, avait été, lui aussi, décoré à vingt ans, pour sa conduite lors de la défense de Paris en 1814, et que plusieurs de ses ascendants paternels et maternels avaient été, eux aussi, légionnaires, pour participation aux campagnes d'Algérie, pour dévouement exemplaire dans l'épidémie de choléra de 1832, dans les inondations de Saumur, etc.
« Ma croix est venue prouver, écrivait-il à l'un des siens, que j'avais chaud au cœur et que le sang qui coule dans mes veines est digne de celui de notre vieille famille. Elle est venue au bon moment. Mais il y a, pour mon avenir, une solution probable celle du retour estropié à la maison, ou celle de la croix de bois. Mon sacrifice est fait, de longtemps déjà. Tu sais combien j'aime la France. Mourir pour elle serait une joyeuse perspective, si la mort me laisse encore le temps de défendre ma patrie bien-aimée et tout ce qu'elle contient de cher à mon cœur. J'ai la joie de défendre les miens, les terres qui ont vu ma jeunesse. Que m'importe de mourir, si ce sacrifice permet de sauver tout ce que j'ai de plus cher au monde. Si Dieu le veut, il me laissera la vie. L'accueil que me feront ceux que j'aime, au retour de la guerre, sera la récompense la plus grande de toutes les misères endurées. »
Il revit encore une fois, dans une dernière permission, ceux qu'il aimait et cette propriété de Coutures, près de Saumur, où il avait vécu ses premières années. Il émerveillait tout le monde par son entrain, sa rayonnante belle humeur. Cependant, il avait un pressentiment.
Il fit ses adieux à son frère aîné, qu'une cruelle blessure immobilisait, et à son plus jeune frère, qui allait à son tour recevoir le baptême du feu. Il ne manqua pas de remplir ses devoirs religieux, comme d'habitude.
Il avait une hâte fébrile de rejoindre le front. Les communiqués parlaient de combats livrés dans la région où il avait laissé son régiment. Des officiers, de ses amis, étaient rappelés par télégramme. « Mes cuirassiers attaquent, j'enrage de n'être pas là ! »
Il regagna son poste le 27 septembre, devant le bois de Cernay-en-Dormois, en Champagne. « Mon cœur s'est serré, écrivait plus tard le colonel de Gail, en le voyant poindre si frais, si vivant, au triste tournant de la tranchée grise. Je ne l'attendais pas si tôt. Je venais de désigner sa compagnie pour l'attaque du lendemain. Il le savait déjà, et, en m'abordant, il m'a montré ma fourragère, en riant de toute la gaieté de ses yeux si clairs « Cette fois-ci, vous verrez, mon colonel, nous aussi, on va l'avoir ! » J'ai répondu : « Entendu, mon petit ! »

La voici, cette humble tresse verte et rouge [le colonel envoie au père celle qu'il portée lui-même], cette tresse à laquelle s'accrochait son espérance inébranlable et qui semblait d'avance teinte de son sang ! Garde-la, usée comme la voici son regard est encore dessus »
Le régiment l'a obtenue, en effet, mais Henri ne devait pas la porter.
Le lendemain de son retour, le 28 juin à 44 heures, l'attaque avait lieu. Il s'agissait de réduire le saillant du bois de Cernay, position extrêmement forte, défendue par des canaux pleins d'eau, par plusieurs réseaux de fils barbelés, par des abris bétonnés. On s'abritait de loin en loin dans des trous d'obus, sous les rafales incessantes des mitrailleuses allemandes malgré les contre-attaques à la grenade. A un certain moment le lieutenant du Payrat commande une charge à la baïonnette, comme il l'avait fait à Laffaux. « Cuirassiers, en avant » Et il lève le bras droit. Un officier allemand qui s'était approché en rampant comme un Apache, caché par les hautes herbes, lui tire en pleine poitrine une balle de revolver qui le frappe mortellement. Henri tombe dans les bras de son ancien ordonnance « Adieu, mon cher Sallon, je suis touché à mort » On n'a pas retrouvé son corps qui, à la faveur d'une occupation momentanée, dut être emporté par l'ennemi. Sans doute l'endroit où il repose pour l'éternité n'est même pas marqué par cette croix de bois qu'il avait prévue.

Nous regrettons vivement de ne pouvoir reproduire ici — même par de simples extraits les innombrables lettres que sa famille a reçues par la suite. On les lirait, comme nous, les larmes aux yeux, mais la fierté au cœur. Il y en a du colonel de Galembert, un de ses chefs, qui le pleure « comme son enfant », qui rappelle que, lui aussi, il a perdu son fils et qui rapproche dans son souvenir ému « ces deux jeunes gens si bien doués, élégants, bons et dévoués, ayant montré au feu un courage tranquille, tous deux ayant reçu de leurs parents le bonheur de la foi et qui la mettaient en pratique simplement, sans ostentation ni respect humain. » ; du commandant Ducrot, qui avait vécu dix-huit mois avec lui « Nous l'aimions tous comme notre Benjamin. » ; du général Destremau, qui avait pour lui de « l'admiration ; du lieutenant-colonel Huet, qui rappelle le sublime héroïsme déployé dans la défense du Piémont du général Brécard, qui atteste que si le 4e régiment de cuirassiers a obtenu la fourragère il la doit aux officiers qui ont noblement fait leur devoir, au premier rang desquels compte le lieutenant du Payrat.
On lirait aussi avec émotion les belles lettres écrites par lui à sa famille (« Quelle belle chose qu'une attaque de cuirassiers !... »), où il fait l'éloge de ses hommes ; où il exprime son espoir indéfectible au milieu des dangers les plus extrêmes. « Il ne donnerait pas sa place pour un empire ! »

Ne résistons pas au désir de citer celle-ci parmi les lettres de félicitations que lui adressent ses chefs et amis « Cette croix est le paiement de vos efforts. Je la voulais pour vous. Elle est venue. Vous pouvez, mon petit, vous regarder dans la glace en disant « J'ai en face de moi un chic officier, et ma poitrine honore peut-être plus la décoration que celle-ci n'honore ma tunique. » Vous êtes un souriant. Vous avez placé votre confiance dans le : « Qui m'aime me suive ! », cela est très cavalier.

A ses deux premières citations reproduites plus haut, nous devons ajouter les deux dernières. Voici celle qui accompagne sa nomination de chevalier de la Légion d'honneur :

«  Soumis avec sa section pendant plus de cinq heures à un bombardement extrêmement violent, a résisté ensuite à trois attaques ennemies, a rejeté par une contre-attaque énergique les Allemands qui avaient pris pied dans la tranchée, s'est emparé d'une mitrailleuse et a fait des prisonniers. Intoxiqué parles gaz, a gardé son commandement pendant quarante-huit heures, ne se laissant évacuer qu'à bout de forces. Deux citations. »

Enfin, voici celle qui salue son noble sacrifice :

« Officier d'une éclatante bravoure. Au cours de l'attaque du 28 septembre 1918, a spontanément engagé sa section pour délivrer les éléments avancés de sa compagnie aux prises avec un ennemi très supérieur en nombre. Grièvement blessé, est resté à son poste, où il s'est défendu héroïquement jusqu'à sa dernière cartouche. »