Nécrologie de L'Avranchin, 29 février 1880:
"Jeudi matin mourait à Avranches, dans sa 88e année, M. Charles de Verdun. Il était né le jour même où. Louis XVI montait sur l'échafaud. Et certes, dans sa famille, le deuil était profond ce jour-là.
Orphelin à l'âge de sept ans, il eût le bonheur de trouver un second père dans son grand-oncle, le marquis de Verdun de la Crenne, chevalier de Saint-Louis, vice-amiral, grand propriétaire, esprit ferme et cultivé. Ami de l'indépendance, enclin à mettre sa conscience délicate à l'abri des pesantes responsabilités, le marquis de Verdun ne s'était point marié. Il jeta un cri d'effroi en se trouvant tout à coup père de cinq enfants orphelins. Mais il accepta, sans hésiter, la tâche de dévouement, comme il avait accepté des commandements plus productifs d'honneurs et de renommée. Il apportait à ses neveux la richesse, il voulut qu'il y eût un chef de famille signalé par une fortune prépondérante. Il crut, en cela, acquérir des droits à la reconnaissance de ses pupilles.
En effet, le château de la Crenne fut, pour tous, noblement hospitalier. M. Charles de Verdun y passa sagement plusieurs années de son adolescence. Là, comme plus tard à Avranches chez sa sœur, il sut se créer un bonheur dont il fut redevable à ses goûts simples et distingués, à son obligeance et à son dévouement. On peut dire qu'il a vécu pour les siens, bien plus que pour lui-même. Ce n'était pas que la fermeté, bien connue de sa race, lui fit défaut. Un instant, en 1815, à l'appel du duc d'Aument, envoyé pour chef à la jeunesse royaliste de nos contrées, M. Charles de Verdun sacrifia sans hésiter ses paisibles habitudes, au service de la France et du Roi.
Ses goûts d'agriculture, da chasse et de libre essor l'appelaient naturellement à la campagne. Là les saines occupations, les distractions utiles naissaient en quelque sorte sous ses pas. Marié en 1826 à Mlle Déricq dont on aimerait à rappeler ici le doux et agréable souvenir, il fut bientôt, dans sa nouvelle demeure de Chasseguey, estimé, consulté et aimé surtout. Les habitants de la commune de Chasseguey, qu'il administra de 1842 à 1873, comme maire et dont il fut le bienfaiteur, dont il rebâtit l'église et le presbytère, conserveront de lui un souvenir impérissable.
Pendant de longues années le mandat de conseiller d'arrondissement lui a été maintenu sans qu'il l'ait jamais brigué. M. de Verdun aimait Avranches, devenu veuf il a été heureux d'y revenir et d'y retrouver ses plus chères affections. Les soins de la piété filiale, prodigués à l'envi par deux générations ont été sa plus douce récompense. Sa fin a été aussi édifiante que sa vie, pendant laquelle il n'a cessé «le donner les preuves d'une foi profonde et d'une piété sincère."