Thomas de Mauduit

Thomas Casimir

Le Pacha

Blason de la famille de Mauduit

Parents

Famille

Lieux d'habitation

Occupations

  • maire de Moëlan
  • aspirant de marine
  • propriétaire

Lien

Notes

Thomas-Casimir de Mauduit, le « pacha » de Plaçamen

Bernard Boudic

 

Le jeudi 2 mai 1833, quatre « conspirateurs » sont réunis au château de Chef-du-Bois. Il y a là Camille Pondichéry Le Clerc de Fresne, propriétaire de Chef-du-Bois, son ami Thomas-Casimir de Mauduit, propriétaire du château de Plaçamen, le notaire Guillaume Le Doze et le recteur Paul Stanguennec. Le surlendemain, samedi, le lundi et le mercredi, les 160 électeurs communaux de Moëlan répartis en trois sections, sont convoqués pour élire les conseillers municipaux. Il est temps d’agir. Ce jeudi-là, les quatre hommes demandent aux 58 électeurs de la première section de les rejoindre à Chef-du-Bois à 5 h du soir. A l’heure dite, ils se comptent plus de quarante. On boit beaucoup. On s’interpelle. Et chacun reçoit un bulletin de vote à glisser dans l’urne. La fraude électorale est une activité… ancestrale.

 

Fraude… Les élections de 1833 sont annulées

Jusque là nommés par le pouvoir central, les membres des conseils municipaux vont désormais être élus pour six ans par les électeurs communaux (ils sont 160 à Moëlan, qui paient le plus d’impôts) et c’est parmi eux que le roi (dans les communes de plus de 3 000 habitants) choisira le maire et ses adjoints. Premier magistrat depuis 1815, Thomas-Casimir de Mauduit a-t-il craint d’être privé de ses fonctions et de son statut par les nouveaux électeurs ? Toujours est-il qu’il prend les devants et organise la conspiration de Chef-du-Bois.

Le même manège se renouvelle pour la 2e et la 3e section. « Le dimanche 5 mai, M. de Mauduit, aidé par Le Noc, son ancien adjoint, a fait prévenir les électeurs de la 2e section de se rendre chez lui. Il est parvenu à gagner tous les électeurs qui étaient au nombre de 58, à l’exception de deux à trois. Rendus au bourg le 6, ils ont été prendre leurs bulletins chez Le Doze qui leur dit que c’était lui qui avait choisi les électeurs portés sur chaque billet pour être membres du conseil et qu’il ne fallait montrer leurs bulletins à personne. M. de Mauduit, le seul sachant écrire de la section, a été scrutateur et président. Par cette intrigue, les électeurs qu’il avait choisis pour ses conseillers municipaux ont obtenu toutes les voix ».

« Le mercredi 8, les électeurs de la 3e  section se sont rendus au bourg, bien décidés à voter pour les électeurs du peuple les plus capables. Mais le seigneur de Mauduit s’est rendu chez le sieur Le Doze à 7 h du matin pour faire faire des bulletins et faire donner à boire à discrétion aux électeurs, après quoi il les a tous envoyés prendre des bulletins chez le sieur Le Doze. Par ce moyen il a fait nommer au conseil municipal les personnes qui lui convenaient et écarter pour la troisième  fois les vrais citoyens capables de soutenir les intérêts de la commune et du gouvernement. »

C’était évidemment un peu gros, les bulletins devant être écrits dans la salle où se déroule le vote. Une lettre de dénonciation du 13 mai conduit le préfet à ordonner une enquête qu’il confie au maire de Clohars, Guillaume Cariou. Celui-ci confirme : « Les bulletins ont été faits hors de la salle des séances, excepté un bulletin dans la première section et deux bulletins dans chacune des deux autres ». De Mauduit proteste : « Qu’on réfléchisse que je possède le quinzième du territoire (du moins que je paie le quinzième de l’impôt foncier), [que] j’ai administré [la commune] pendant quinze ans et six mois ». Mais, après enquête, les élections sont annulées.

 

« Aucune délibération sans qu’il ne les dicte »

Les 6, 8 et 10 juillet, les électeurs se retrouvent. Les « conspirateurs », Thomas-Casimir de Mauduit, Camille Pondichéry Le Clerc de Fresne, Guillaume Le Doze, et Louis Le Noc sont élus.  Ni la fraude, ni l’annulation du premier vote n’ont changé grand-chose. Si ce n’est que le roi désigne Pierre Colin comme maire. Mais personne ne s’y trompe : c’est Mauduit qui tire les ficelles. Le sous-préfet de Quimperlé lui-même l’écrit : « La première élection et la réélection ont été faites sous l’influence unique de M. de Mauduit, de sorte que l’on peut dire qu’il est à lui seul le conseil municipal et l’administration communale ». Et encore en 1837 : « Le conseil municipal de la commune de Moëlan est totalement composé sous l’influence de M. de Mauduit, légitimiste prononcé. Aucune délibération sans qu’il ne les dicte, en sorte qu’il est à lui seul le conseil municipal et l’administration communale ». Le roi devra s’en accommoder. S’en suivra une longue période que la commune traversa vaille que vaille, son maire incontournable refusant de servir sous un régime détesté et apparaissant dans les actes de la commune, sauf à de courtes périodes, comme « premier adjoint, faisant fonction de maire ».

C’est que Thomas-Casimir de Mauduit est une forte tête. Contrairement à son père, Gabriel-Hippolyte, qui avait accepté la Révolution, lui est un partisan de la monarchie pure et dure, un légitimiste, et il n’admet pas qu’après la Révolution de 1830, le nouveau roi, Louis-Philippe, ait oublié un peu vite ses deux cousins Louis XVIII et Charles X, frères de Louis XVI, pour se faire « Roi des Français » (et non plus roi de France) et accepter une Charte constitutionnelle. Signe de son caractère entier – on le surnomme le Pacha – le 28 juillet 1833 dans le port de Merrien, il coupe la drisse d’un chasse-marée et arrache le pavillon tricolore avant d’injurier le capitaine du bateau. Selon Laurent Le Gall, qui rapporte l’anecdote, « l’affaire, portée devant la justice, ne lui porta aucun préjudice. Aucun  indice n’ayant permis de prouver qu’il avait agi pour proclamer sa haine du gouvernement, le légitimiste fut acquitté facilement ».

 

« Les deux plus agréables demeures de Moëlan »

Thomas-Casimir de Mauduit est né le 18 septembre 1786 au château du Coscro à Lignol (Morbihan) du premier mariage de son père, Gabriel Hippolyte, avec sa cousine, Marie-Anne de Mauduit du Coscro qui décéda un mois plus tard des suites de son accouchement. Sept ans après, son père se remarie, à 42 ans, avec Angélique Mahé de Berdouaré, veuve de Jean-François de la Faudrière de Kerjégu. Il partage alors son temps entre l’hôtel de Mauduit à Quimperlé, le château de Kerjégu, près de Brigneau, et le château de Plaçamen qu’il a fait construire vers 1780 avant d’en acheter les terres confisquées à l’abbaye de Landévennec et mises aux enchères. Le président du district de Quimperlé, JacquesCambry, parle abondamment et avec enthousiasme de Kerjégu et de Plaçamen dans son « Voyage dans la Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795 » qu’il écrit d’ailleurs au cours d’un séjour à Kerjégu chez Gabriel-Hippolyte : « P. et K. (Plaçamen et Kerjégu) sont les deux plus agréables demeures du ressort de Moëlan ».

Arbre

C’est à Plaçamen, domaine d’environ deux cents hectares et vingt métairies, que Thomas-Casimir se repose de ses années de guerre contre les Anglais et de sa longue captivité en Angleterre. Il s’est installé à Plaçamen avec deux de ses sœurs, Alline-Marie, qui décède le 20 décembre 1825 à l’âge de 22 ans, et Françoise-Gabrielle, qui disparaît le 14 mars 1831 à l’âge de 35 ans, « rentière et célibataire », et de sa tante, Scholastique, née en 1783. Celle-ci a acheté le domaine avec son père en l’an 6. Elle y passera toute sa vie avant d’y décéder le 27 avril 1844, à l’âge de 61 ans.

 

Plaçamen

 

Bâtisseur de la mairie…

Thomas-Casimir se marie le 16 janvier 1815 à Quimper avec Marie-Anne Cabon de Kerandraon. La période est troublée. Napoléon a abdiqué le 6 avril 1814. Exilé à l’Île d’Elbe, il s’en échappe fin février, débarque à Vallauris et en trois semaines regagne Paris. Mais les Cent-Jours se terminent le 22 juin, quatre jours après Waterloo, par une nouvelle abdication. C’est donc la Restauration qui nomme en 1815 Thomas-Casimir de Mauduit maire de Moëlan. On ignore quels furent les détails de son action sous Louis XVIII et Charles X. Bâtisseur, il se fait construire au carrefour des routes de Quimperlé, de Clohars et de Riec un « hôtel particulier », qui n’est en fait qu’une maison plutôt banale à un étage et grenier, qui fut par la suite transformée en commerce.

Surtout, il fait bâtir en 1831, en bordure de ce qui est aujourd’hui la rue des Plages, une belle mairie, maison à trois étages, agrémentée d’un péristyle, flanquée de deux ailes, et entourée d’un muret surmonté d’une grille. Le jeune Fortuné de Boisgobey qui parcourt la Bretagne en 1839 écrit dans son « Voyage en Bretagne » : « A côté du village, on vient de bâtir une très belle mairie avec un péristyle à colonnes de marbre et une très belle grille en fer doré. Je suis resté tout ébaubi : cela m’a comme réveillé. Il faut qu’il y ait là quelque maire intelligent et riche. »

 

Mairie

 

… et fondateur de la première école

C’est dans l’une des ailes de la mairie qu’ouvre en 1841 la première école de Moëlan, une affaire où Thomas-Casimir de Mauduit se montre très actif. Dès 1835, deux ans après la loi Guizot du 28 juin 1833, qui organise l’enseignement primaire, le conseil municipal vote le principe de la construction d’une école primaire. Mais il faudra quatre ans pour résoudre à la fois la question du terrain et celle du financement du projet. Le 10 septembre 1839 Thomas-Casimir, conseiller municipal délégué aux fonctions de maire, annonce au conseil qu’il a fait dresser par l’architecte du département le plan d’un terrain situé entre la route de Clohars et la route de Kergroës. C’est là, après un échange de parcelles qualifié de « très avantageux » pour le budget de la commune, que sera construite, dans le prolongement de la mairie et de la maison de poste dont « les travaux sont sur le point d’être terminés », l’école où officiera un maître issu de la congrégation des frères de La Mennais. Depuis 1824, le malouin Jean-Marie de La Mennais sillonne en effet les routes de Bretagne et, répondant aux demandes des maires et des curés, crée sans relâche des écoles. A Moëlan, la commune est allée vers lui, refusant de nommer un maître laïc « car il n’aurait pas d’élèves ».

L’école connaît dès son ouverture un succès qui dépasse de très loin le territoire communal. Bientôt, une école élémentaire s’ajoute à l’école primaire. Si bien que le 6 octobre 1844, le conseil municipal rappelle la nécessité d’agrandir l’école, formulée sous l’administration de M. de Fresne, et propose la construction d’un pensionnat. Thomas-Casimir de Mauduit, conseiller municipal faisant à nouveau fonction de maire, fait état « des succès toujours croissants des élèves dus à la bonne méthode d’enseignement de nos frères », évoque le danger créé par la présence dans les combles, au troisième étage de la mairie, de la classe élémentaire, et surtout s’affirme dans l’obligation de ne plus tolérer la présence des élèves « dans les cabarets où ils logent » et y prennent de mauvaises habitudes « à cause de l’éloignement des hameaux ».

 

Le réfectoire est au cabaret

A l’appui de ces affirmations, un tableau des élèves de l’école primaire avec leurs quartiers d’origine indique que 25 élèves dînent au cabaret, que 23 y dînent et y couchent, sans compter quinze autres qui viennent de Clohars, de Quimperlé, de Riec ou du Trévoux. A nouveau, des plans sont dressés : « Entre la maison de M. de Mauduit et la mairie, on construira une cuisine et au-dessus un réfectoire ; entre la mairie et la maison Scoazec, on édifiera un bâtiment semblable qui servira de salle d’école pour la première classe et au-dessus on pourra établir les dortoirs si ceux de la mairie venaient à ne pas suffire ». Mais le projet moëlanais va se heurter un mois plus tard à la franche hostilité du Comité supérieur d’instruction primaire de l’arrondissement dont l’aval est obligatoire pour obtenir du département la subvention de 1 000 francs réclamée par le conseil municipal. L’agrandissement de l’école de Moëlan pourrait « nuire à la prospérité des écoles tenues par des instituteurs laïques et en particulier au collège de Quimperlé ».

Déjà l’école cristallise l’opposition de deux camps : un camp royaliste et catholique et un camp républicain et laïque qui s’est réveillé avec la monarchie de Juillet. Ainsi le comité supérieur de l’Instruction publique rappelle que le collège de Quimperlé possède une école primaire supérieure, « plus étendue et plus complète » qu’une école primaire élémentaire ; « dès lors et à raison de certaines tendances, la création d’un pensionnat à Moëlan établirait une concurrence » qui « diminuerait le nombre des enfants appelé à recevoir un enseignement en quelques sorte préparatoire aux professions industrielles et d’abaisser au préjudice de l’avenir des familles et du pays le niveau d’éducation dans l’arrondissement ».

 

« Un agronome distingué »

Les années passant, Thomas Casimir de Mauduit adoucit cependant ses positions légitimistes. A tel point qu’appelé, en 1848, à suggérer les noms de ceux qui pouvaient prétendre obtenir la légion d’honneur dans son arrondissement, le sous-préfet de Quimperlé n’hésite pas à mettre en avant le maire de Moëlan : « Le second candidat, M. de Mauduit, est un agronome distingué, ses propriétés que j’ai visitées sont admirables […], il a des droits incontestables à la reconnaissance de sa commune pour laquelle il a fait d’importantes améliorations ; il a fait construire une mairie, une école dirigée par les frères qui compte plus de 150 élèves ; il n’y a pas dans l’arrondissement, je dirais même dans le département, une commune rurale mieux administrée que la sienne ; son règlement de police municipale est excellent et je l’ai déjà proposé à deux autres communes ; il est bien sincèrement rallié à l’administration et vous aurez à juger si cette nomination ne serait pas d’un excellent effet pour ramener à nous les légitimistes raisonnables à la tête desquels il marchait. Il n’est maire que depuis peu de temps ; il est vrai qu’il en remplit les fonctions comme premier conseiller inscrit sans jamais avoir voulu en accepter le titre de l’administration d’alors à laquelle il était hostile" ».

Propriétaire-exploitant, Thomas-Casimir de Mauduit s’est distingué aussi par son action en faveur du développement de l’agriculture. Il participe activement au mouvement d’amélioration des terres et d’introduction de nouvelles cultures dont quelques nobles, « fidèles à l’esprit de la Société d’agriculture de 1757, donnent l’exemple de l’innovation  » et prennent l’initiative en France à partir de 1800. Après quelques initiatives de l’État (écoles vétérinaires de Lyon en 1761, d'Alfort en 1765, Jardin royal des Plantes devenu, en 1794, Muséum d'histoire naturelle), des esprits éclairés s’inspirent de l’exemple anglais : prisonnier, Thomas-Casimir avait pu juger sur place… Ils améliorent leurs terres (de Lorgeril en Ille-et-Vilaine, moines de la Trappe de Melleray près de Châteaubriant, baron du Taya près d’Uzel…), ouvrent des établissements de formation à l’agriculture : ferme-école de Mathieu Dombasle à Ronville-devant-Bayon en Meurthe-et-Moselle (1815), Institution royale agronomique de Grignon (1827), école d’agriculture de Grand-Jouan à Nozay (aujourd’hui Loire-Atlantique) dirigée de 1830 à 1881 par l’alsacien Jules Rieffel, ancien élève de Dombasle.

 

Un projet de ferme-école à Plaçamen

Dès le 2 septembre 1819, le sous-préfet de Quimperlé suggère parmi les personnalités susceptibles de faire partie de la société d’agriculture, « M. de Mauduit, maire de Moëlan, qui plus que tout autre s’occupe d’essais et d’amélioration en agriculture et qui n’épargne aucun soin pour persuader par son exemple les habitants de la commune à l’imiter. » La société d’agriculture, créée l’année suivante à Quimperlé, recommande notamment la culture du navet, des prairies artificielles et du trèfle incarnat. L’action de son secrétaire est si reconnue que l’ouverture d’une seconde ferme-école finistérienne est envisagée à Plaçamen.  Le 29 avril 1849, le comte du Couëdic, conseiller général de Quimperlé, écrit au préfet : « De tous les points de l’arrondissement, les propriétaires cultivateurs envoient de préférence leurs enfants à l’école de Moëlan. Ainsi on compte 20 élèves de la commune de Quimperlé, 20 de Clohars-Carnoët, 16 de Riec, 8 de Mellac, 5 de Baye, 4 de Pont-Aven, 3 de Querrien, 2 d’Arzano, 2 du Trévoux, 2 de Tréméven, 1 de Nizon, 1 de Melgven, 40 de Moëlan (…). Ils passent ordinairement quatre ans à l’école ».

« La ferme-école à Plaçamen, et surtout dirigée par M. de Mauduit, réunirait selon moi beaucoup d’avantages. Cette magnifique propriété a pour elle l’étendue considérable des terres de toutes qualités et des ruisseaux susceptibles de servir à l’irrigation. Nous avons ensemble, M. le préfet, remarqué l’admirable distribution des jardins de Plaçamen et dans ce pays où nous manquons entièrement de jardiniers, il serait fort utile de former de jeunes agriculteurs à cette profession. Moëlan possède sur tous les points de la commune des routes parfaitement entretenues, dues aux soins et à l’intelligence de M. de Mauduit. Les parents des élèves auraient la plus grande facilité à voir souvent leurs enfants et à s’entretenir avec eux ».
« Ces relations et ces exemples agiraient bien autrement que nos conseils sur l’esprit de ces vieux cultivateurs trop amis de la routine du pays. M. de Mauduit est non seulement ami des progrès et des améliorations comme son administration à Moëlan le prouve, mais il possède des connaissances pratiques en agriculture. Prisonnier sur parole pendant dix ans en Angleterre, il a étudié l’agriculture si intelligente de ce pays. En 1813, il s’est mis à l’œuvre et, depuis 36 ans, il la pratique avec succès (…). Dans son agriculture, M. de Mauduit se sert de tous les instruments perfectionnés et aussi de ceux du pays pour établir par là une comparaison favorable aux instruments nouveaux. Du reste, la commune de Moëlan et la terre de Plaçamen témoignent assez du mérite de M. de Mauduit comme administrateur et comme agriculteur. »

 

Mais le ministère refuse…

Déjà, le 12 avril, le nouveau sous-préfet de Quimperlé, avait fait parvenir au préfet, à la suite de sa visite à Moëlan, un mémorandum où il notait que « M. de Mauduit ne demande aucune subvention départementale, l’allocation du ministre lui paraissant suffisante. » Le sous-préfet ajoutait : « Dans la première visite que j’ai faite à Moëlan, lundi dernier, j’ai pu apprécier la supériorité avec laquelle il a su administrer sa commune ; il l’a dotée d’établissements d’utilité publique : l’école est admirable, la Garde nationale que j’ai passée en revue est armée de 60 fusils, composée de beaucoup d’anciens militaires et manœuvre bien. » Et, clin d’œil aux bonnes relations : « M. de Mauduit se recommande particulièrement à vous par sa connaissance avec votre fils aîné. Son fils Mauduit était lieutenant dans la compagnie dont Monsieur votre fils était sous-lieutenant… »

Le 26 décembre 1848, Casimir de Mauduit donne son accord au sous-préfet :« Vous m’avez témoigné le désir de me voir consentir à la transformation de ma ferme expérimentale de Plaçamen en ferme-école. Je viens vous donner ce consentement. J’ai lu avec attention l’instruction qui accompagne le décret [du 3 octobre] et j’ai reconnu que la situation de la ferme de Plaçamen pouvait remplir toutes les conditions nécessaires pour donner une bonne éducation pratique à nos jeunes cultivateurs dans toutes les cultures susceptibles d’être appliquées au Finistère (…). Je vous adresse un plan des bâtiments de la ferme. Plus tard, je ferai dresser le plan de toute la propriété. Comme cette ferme renferme plus de 150 hectares, il serait facile d’attribuer à la ferme-école la quantité nécessaire suivant le nombre d’élèves qui lui sera attribué ».
Hélas, le ministre de l’Agriculture et du Commerce douche les espoirs de Casimir de Mauduit. Le 16 décembre 1850, il rappelle au préfet du Finistère que « l’Assemblée nationale, dans la discussion du budget de 1851, a limité le nombre des fermes-écoles à celui de 70 qui est aujourd’hui atteint ».

 

Les céréales sont aujourd’hui semées en planches

Casimir de Mauduit s’est pourtant fait un nom parmi ceux qui font progresser l’agriculture. Dans les comptes rendus des travaux de la huitième session de l’Association bretonne tenue à Morlaix en 1851, « le propriétaire du château de Plaçamen, commune de Moëllan (sic) » est distingué « pour la bonne tenue de sa ferme de Saint-Guénolé », décrite curieusement – car elle est la plus éloignée de la mer – comme « située au-dessus d’une anse où abordent les goémons et des sables calcaires d’une grande richesse ». « M. de Mauduit, dit l’Association bretonne, exploite à Saint-Guénolé une surface de douze hectares, dont dix de terre labourable, 2,25 ha de terre de lande défrichable et 0,25 ha de pré arrosé ».

L’assolement est ainsi détaillé :
– « blé noir, patates hâtives, betteraves, choux branchus (avec fumure) ;
– « froment (une partie de cette sole reçoit du trèfle) ;
– « avoine. Et on recommence. »
« Le sol, argilo-sableux est de consistance moyenne ; plutôt lourd que léger, cependant très maniable, profond et riche en humus. Le sous-sol est rocheux et sain. Chaque année, environ 100 m3 de sable calcaire sont importés dans les terres à la sole des racines après avoir été mis en compost avec les fumiers ». Le compte rendu poursuit : « Depuis deux ans, l’araire a remplacé la charrue du pays ; et les céréales, semées en sillons à cette époque, sont aujourd’hui semées en planches et recouvertes à la herse. Les semailles des betteraves et carottes sont faites en lignes, mais à la main pour encore et sur rayonneur. La commission a admiré le soin avec lequel M. de Mauduit nettoie ses grains au cylindre et elle considère qu’il rendrait un grand service s’il vendait ses magnifiques grains comme semence aux cultivateurs ».

 

La belle étable de Plaçamen

« La commission a remarqué la belle réussite des choux branchus et d’un hectare de betteraves d’espèce ronde, jaunes à l’extérieur et à l’intérieur, et parfaitement conformées. Le bétail montré à la commission, à Saint-Guénolé, se compose de huit vaches, race de la Cornouaille. M. de Mauduit entretient par ailleurs :
– six vaches logées dans une dépendance de son château, simplement et parfaitement disposée ; ces vaches de la Cornouaille sont d’une très belle conformation ;
– un jeune taureau bien conformé et un élève (croisés Léon-Cornouaille) ;
– quatre chevaux dont un de maître ;
– quatre porcs de belle race anglo-chinoise, parfaitement logés avec cour pour l’élevage ;
– quatre veaux constamment à l’engrais pendant l’année.
[Ce qui représente] vingt-sept têtes d’animaux pesant, suivant M. de Mauduit, 6 640 kg.
M. de Mauduit a déclaré que ses vaches produisaient en moyenne, à l’année, 1 490 litres de lait et 30 kg de beurre. »

 « Cet honorable propriétaire applique depuis de longues années une grande force d’intelligence et de travail à l’amélioration de ses fermes. La ferme de Saint-Guénolé, nettoyée et améliorée par lui depuis quelques années, est louée désormais à un fermier, à un prix avantageux, et M. de Mauduit s’empare cette année d’une autre ferme importante l’avoisinant. La commission a admiré les beaux et vastes logements de cette grande ferme, ainsi qu’une simple mais très commode disposition d’une étable à vaches. Les vaches sont logées dans des stalles spacieuses, elles ont devant elles un râtelier, en-dessous une mangeoire mobile ; entre les deux rangs d’animaux il existe un couloir par lequel la nourriture est distribuée avec une grande facilité par le vacher, proprement et sans dérangement pour les animaux. »

Lorsque Thomas-Casimir disparaît en 1852, son fils Antoine et sa fille Augustine maintiendront cette tradition et seront à nouveau distingués. A la mairie de Moëlan, c’est son vieil ami Camille Pondichéry Le  Clerc du Fresnel qui prendra sa suite.

 

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