Portrait de Salabert Chauviteau (1775 - 1823)

Salabert Chauviteau

Jean Joseph Albert Marie dit Salabert

Parents

Famille

Lieux d'habitation

Occupations

  • négociant planteur de café et de sucre à Cuba (maison d'affaires Hernandez & Chauviteau)
  • émigré aux États Unis pendant la Révolution et lors de l'invasion de l'Espagne par Napoléon Ier

Notes

G.H.C. Bulletin 7 : Juillet-Août 1989 Page 52

Les "lettres de famille CHAUVITEAU"
E. Boëlle

Il s'agit d'un ensemble très important de lettres et de documents dont une partie des courriers familiaux a été publiée, à une date inconnue, chez Dumoulin et Cie, 5 Rue des grands Augustins à Paris, sous le titre "1797-1817. Lettres de Famille; retrouvées en 1897". Bien que comportant 228 pages, cet ouvrage n'est qu'une faible partie de l'ensemble conservé par les descendants et que j'ai entrepris d'exploiter.
Pour mieux comprendre cet ensemble de lettres de famille et en goûter le charme un peu désuet, il est bon de retracer le cadre général dans lequel elles ont été écrites.
En 1797 nous trouvons à Providence, petite ville américaine proche de Boston, un couple de français, agés d'environ 50 ans : Joseph CHAUVITEAU et sa femme Sophie, née BIOCHE. Ils se sont réfugiés là depuis quelques années, ayant quitté la Guadeloupe vers 1794 (date plus vraisemblable que 1788, indiquée dans la préface), fuyant les troubles dus à la Révolution et aux guerres avec l'Angleterre, s. retrouvant avec un certain nombre de familles françaises dans la même situation. Ils étaient réfugiés là avec 3 de leurs enfants, Jean-Joseph dit le plus souvent "Salabert", on ne sait pourquoi, âgé de 22 ans, Hilaire dit "Chalon", du nom d'une ancienne propriété des CHAUVITEAU en Vendée, âgé de 16 ans, et leur soeur Sophie dite "Toute", âgée de 21 ans.. Cette dernière est la primesautière de la famille, écrivant en vers, morigénant gentiment père, frères et amis. Ils avaient laissé à la Guadeloupe le fils aîné Louis, âgé de 23 ans, surnommé "CHAUVITEAU", à charge pour lui de débrouiller et conserver au mieux les intérêts qu'ils avaient sur place (une grande maison, des intérêt. dans le commerce du sucre), le tout en crise à cause des événements. Louis, contrairement aux autres enfants, semble faire la désolation de ses parents, à la fois par un mariage avec une personne jugée indigne et par sa négligence générale. Ils avaient également laissé à la Guadeloupe la soeur de Mme CHAUVITEAU : Mme GUENET née BIOCHE, dont l. fils Antoine est le plus souvent appelé "Solange", et qu. réside au Moule. Il épousera ultérieurement sa cousine. Sophie. De plus deux frères de Mme CHAUVITEAU : Hilaire e. Jean-Baptiste BIOCHE habitaient dans l'île de la Domini. que, antille anglaise située entre Guadeloupe et Martini. que, et qui n'avait été colonisée qu'au 18° siècle. restant longtemps sans être attribuée. Joseph CHAUVITEAU venait lui-même de la Dominique o. il était né avant de s'installer à la Guadeloupe. Enfin un frère de Joseph CHAUVITEAU, Louis, habitai. Rivière Pilote, à la Martinique. Tous vivaient avec beaucoup de difficultés e. d'inquiétudes. Le courrier était assuré par des bateaux de. commerce, mais certains étaient pris par les Anglais o. les corsaires. Il fallait souvent compter plusieurs moi. et l'envoi de plusieurs exemplaires eventuellement identi. ques pour arriver à ce qu'une partie de ce courrier arrivé à destination. Joseph CHAUVITEAU, malgré ses plaintes répétées. semble arriver à garder une certaine aisance dans so. émigration, arrivant malgré tout à faire quelque négoc. sur le sucre ou autre. Nous trouvons en 1797 la famille n émoi. Salabert. l'espoir de la famille, vient de partir pour La Havane o. il travaillera dans une maison de commerce appartenant . M. HERNANDEZ dont il épousera dans quelques années l. belle-soeur. On lui écrit avec mille recommandations sur sa santé,. on lui donne des nouvelles de Providence; on commente le. nouvelles de France, chacun espérant bien pouvoir . retourner un jour. Salabert se révèle un excellent homme d'affaires. avisé, travailleur, sachant parler et écrire français. anglais et espagnol. Il va réussir et, du coup, se dévouer. pour sa famille. En effet dès 1798, il fait venir auprè. de lui son jeune frère "Chalon" pour le mettre au travai. avec lui, et un peu plus tard son cousin "Solange" GUENET,. dans la même intention. Pendant ce temps là, en 1799, les parents CHAUVITEA. changent de maison à Providence, tout en souhaitan. repartir pour la France : les Etats-Unis sont décidemen. bien froids pour des habitués des Antilles. Des amis leu. écrivent de France pour leur donner des nouvelles fraîches. (Vendée, Bonaparte). En 1801 Chalon retourne à New-Yor. voir ses parents. La paix semble proche, on se remet . voyager. Salabert va, lui aussi, à New-York en début 1802.. A ce moment-là on apprend le décès brutal à l. Martinique du frère aîné Louis CHAUVITEAU. Il a du êtr. tué en duel, peut-être à cause de sa femme, mais nous n. savons rien de cette affaire. Son père et son frère Salabert se trouvent à l. Martinique. Toute la famille, Mme GUENET au Moule, le. deux frères BIOCHE à la Dominique, écrit à Salabert pou. lui exprimer leurs regrets et lui donner quelques nouvel. les fraîches sur leur vie. Mais, grande nouvelle, Salabert annonce qu'il va s. marier à La Havane avec Serafina ALOY, espagnole, belle. soeur de son associé HERNANDEZ. Du coup sa soeur Sophi. repense à son cousin GUENET qu'elle n'a pas revu depui. quatre ans, depuis qu'il est parti à La Havane et pou. lequel elle a gardé une tendre inclination. C'est récipro-. que et cela va finir par un double mariage... Entre temps Joseph prolonge son séjour aux Antilles. va rendre visite à sa famille à la Guadeloupe, repren. espoir; les émigrés commencent à rentrer en France... I. se débat pour essayer de tirer parti des biens qu'il . conservé à la Guadeloupe, en particulier une grand. maison, utilisée comme préfecture et qu'il appelle "l. grande auberge", mais dont nous ne connaissons rien. En septembre 1802 il repart pour New-York accompagn. de sa belle-soeur Mme GUENET et de la fille de celle-ci. Mme VALLEE. La traversée est rude (ou les dames de cett. époque ont facilement des vapeurs). Il est obligé d. laisser au passage à Antigue (petite antille britannique. Mme GUENET et sa fille, et arrive au bout de deux mois d. voyage à New-York. En février 1803 on fète le mariage de Sophie e. Solange, ce qui amène à parler argent, les comptes étant exprimés en "gourdes" qui étaient en fait le dollar. A. passage on annonce que Bonaparte va être Empereur. Hélas, la guerre à nouveau menace, elle va éclater en. juillet 1803, les parents déménagent et vont s'intalle. avec le jeune ménage GUENET à Baltimore, plus méridional. On fait le compte des possessions, il y a le cas d'AZOR. nègre ayant appartenu à Louis comme esclave; on se l. repasse... Avril 1803 : Salabert est marié à La Havane, Chalo. part pour la Nouvelle Orléans essayer de faire fortune. La. famille envoie des cadeaux aux jeunes mariés (des che. mises). En mai 1803 Sophie écrit à son frère Salabert qu. attend un héritier. Sophie souhaite, en ce qui la concer. ne, une fille et souhaiterait un mariage entre les cou. sins, mariage qui se réalisera 23 ans plus tard... prémo. nition. La guerre ayant de nouveau éclatée, les projets son. compromis. Chalon revient de la Nouvelle Orléans, vendu. par la France aux Etats-Unis. Joseph part cependant début 1804 à La Havane faire la. connaissance de sa belle-fille. Il est de retour en juin. Mais la santé de Chalon donne des inquiétudes et hélas, en. novembre, la famille apprend son décès (fièvre jaune ?). C'est un coup dur pour la famille. Cela n'empêche pas les parents de vouloir partir pour. la France qu'ils ne connaissent pas, lassés des Etats-Unis. (New-York est quand même ce qui leur a le plus plu), e. craignent de retourner à la Guadeloupe. Ils vont partir en juin 1805, laissant à Baltimore le jeune ménage GUENET, ou Solange est agent de la maiso. HERNANDEZ.
A partir de leur retour effectif en France les let. tres sont rares. Les parents vont s'intaller en 1807 . Barada, près de Condom, espérant y voir venir un jou. leurs enfants et leurs, vite nombreux, petits-enfants (les. jeunes ménages ont coup sur coup de nombreuses naissan. ces). Une description de la maison, qui existe encore. donne envie de s'y installer. En 1809 débute la guerre d'Espagne (alors que jusqu'à. présent l'Espagne n'avait jamais été en guerre avec l. France). Répercussion à La Havane, "Mort aux français"... Salabert est obligé de s'enfuir. Il arrive, après de. péripéties, à gagner les Etats-Unis et s'intalle à Bris. tol, petit port voisin de Providence, où il va continuer à. mener ses affaires avec la Société HERNANDEZ. Deux lettres inédites de 1810 de Salabert à son père,. montrent que malgré leurs plaintes leur situation finan. cière n'est pas trop mauvaise. On s'organise. Deux jeune. neveux POEY (une soeur de Serafina avait épousé un POEY. vont venir en France pour faire leurs études.. 1812 : c'est la paix...tout au moins en ce qui con. cerne les français ayant été obligés de quitter Cuba. Ne faisant pas partie des lettres publiées, subsis. tent, à partir de 1809, de très nombreuses lettres reçue. par Salabert aux U.S.A. de La Havane, d'amis divers de. Etats Unis, consacrées à la fois à ses affaires et à s. correspondance familiale, en particulier avec les BIOCHE. Les lettres vont être conservées jusqu'en 1812, dat. à laquelle Salabert va pouvoir revenir à Cuba. A ce mo. ment-là, il décide de faire aussi revenir sa femme et se. enfants. Cela mettra presque 6 mois... La malheureus. Serafina attend en vain un bateau, elle écrit des lettre. désespérées à son mari. Enfin le bateau qu'elle prend fait. naufrage aux îles Bahamas (et non aux Bermudes comme i. est indiqué dans le livre). Finalement en fin 1812, ils se. retrouvent réunis, et à partir de là sont conservées (no. publiées) tous les doubles de lettres envoyées par Sala. bert (lettres professionnelles ou familiales) et cec. jusqu'à son départ pour la France en 1821, et au delà d. cette date jusqu'à son décès à Paris en 1823. Dans cet échange de correspondance, Salabert apparaît. comme un homme d'affaires compétent, travailleur, houspil-. lant son beau-frère GUENET à Baltimore qu'il trouve bie. mou, plein de sollicitude pour ses parents, agacé par l. manque d'aptitude aux affaires, selon lui, de sa femme e. de sa soeur. Il ne se gêne pas pour le leur dire. Il sera aussi plein d'attention pour ses enfants, ses. 3 fils aînés en particulier, qu'il sera obligé d'envoye. très jeunes, l'un après l'autre en pension à New-York. seul lieu où, d'après lui, on puisse donner une éducation convenable et américaine qui est la seule valable à se. yeux. Revenant aux lettres publiées, en 1812 à nouvea. quelques lettres de France font écho aux annonces de. naissances et grossesses de Serafina et de sa belle-soeur.. Mais les lettres sont rares ou n'arrivent pas. Parfois des. années de silence. En avril 1814, la fin de BONAPARTE (jamais ils n. l'appeleront NAPOLéON dans la famille) apporte la joie . Bordeaux où se sont intallés depuis 1812 les parent. CHAUVITEAU. On peut envisager des retrouvailles après tant. d'années de séparation. BONAPARTE n'est plus qu'un souve. nir honni. Vive le Roi. On commence par s'envoyer des cadeaux; mais les pa. rents ont vieilli. Ils ont près de 70 ans. Mars 1815... Les Cent-Jours... BONAPARTE est de re. tour. Catastrophe! Joseph veut du coup quitter la Franc. et s'exiler à nouveau aux Etats-Unis, ruiné dit-il. I. s'associe à une proclamation de français restés fidèles . la royauté et verse même 1.000 frs à une collecte e. faveur du Roi. Finalement les affaires s'arrangent. La guerre entr. les Etats-Unis et l'Angleterre s'arrête en août 1815. c'est le retour de LOUIS XVIII. Mais les parents n'e. profiteront pas longtemps. C'est d'abord, en 1815, l. décès de Mme GUENET (soeur de Mme CHAUVITEAU) restée au. Etats-Unis avec sa belle-fille. En juillet 1816 Mme CHAUVITEAU annonce le décès d. son mari à sa fille et à son fils. Mais hélas, Solang. GUENET lui-même va succomber lors d'un voyage de retour de. la Guadeloupe aux Etats-Unis. Sa femme se trouve seule avec 5 jeunes enfants. Ell. se décide à venir rejoindre sa mère veuve à Bordeaux. Mais. en juin 1817, au moment où Mme GUENET avec ses enfant. arrive à Bordeaux mais est retenue à bord du navire par la. quarantaine Mme CHAUVITEAU décède à son tour. De son côté le fils aîné de Salabert, Jean, John o. Juanito comme on l'appelle selon les moments, âgé de 1. ans, en pension à New-York avec ses deux autres frère. Louis et Ferdinand, arrive lui aussi en France où i. aurait dû retrouver sa grand-mère. Il va aller retrouve. sa tante GUENET à Bordeaux. Là s'arrètent les lettres en partie publiées.
Les lettres suivantes, non publiées, nous montren. que Salabert se comporte toujours en chef de famille vis à. vis de ses enfants, de sa soeur, dont il se désole qu'elle. ne suive pas mieux ses conseils, de ses cousins BIOCHE e. VALLéE. Il va avoir encore 3 filles ce qui porte à 11 l. nombre de ses enfants. Ses affaires marchent bien. Il v. recevoir à La Havane son neveu et filleul BIOCHE surnomm. DESHAUTS, pour rendre service à son parrain et oncle Jean-.
Baptiste BIOCHE; mais il n'arrivera pas à en tirer grand. chose. Il donne conseil sur conseil à ses fils, surtout Jean. dont il critique le manque d'ardeur en langues, le forçant. à lui écrire en anglais et en espagnol, langues indispen. sables, selon lui, pour réussir en affaires. Sa santé qui avait été bonne jusqu'en 1819 se dégrade. Il commence par aller aux eaux de Saratoga aux Etats-Uni. puis décide, en 1821, de gagner la France avec toute s. famille, ses 2 fils toujours en pension à New-York l. rejoignant par la même occasion. Mais là il devient aveugle. Les médecins préconisen. une cure à Bourbon l'Archambault (elle n'a, comme on peu. le penser, d'autre résultat que de le fatiguer davantage. d'autant plus qu'il passe d'abord par Bordeaux pour . rencontrer sa soeur). Il laisse de plus en plus ses fils, surtout Jean. s'occuper de ses affaires (café, sucre; il ne fait plu. comme il l'a fait dans le passé le commerce d'esclaves) et. s'eteint en 1823.
Salabert laissait une fortune considérable pou. l'époque, plus de deux millions de francs, avec plusieur. plantations de café à Cuba, 500 esclaves, etc... C'est sa femme qui, en lui survivant 51 ans, v. devenir le centre de la famille, choyée, fêtée, protégée. entourée et dont les souvenirs, rédigés par sa petit. fille Thérèse RATEL, née HERMET, se trouvent, mai. incomplets, enappendice de l'ouvrage publié.